Quelque chose avait changé, Ray Manzarek le savait, plusieurs milliers de personnes qui avaient assisté au festival pop de Seattle le savaient également, et probablement Jim Morrison lui-même. Autrefois l'une des influences vitales du rock, les Doors ont apparemment été entièrement submergé par l'égocentrisme de Morrison. Au lieu d'offrir au public la musique qui les enthousiasmés il y a quelques années, les Doors se présentaient maintenant comme une sorte de spectacle, avec Morrison en bête de foire. 

"We want Morrison", "We want Doors", "We want Morrison"… Des bouteilles vides et des poubelles ont été transformées en tambours, Manzarek est entré le premier sur la scène obscure. Lorsqu'il a frappé une seule note sur son clavier, les chants ont cessé. La foule attendait en silence. Peu de gens se sont rendu compte que Jim Morrison, vêtu d'une blouse de travail en jean et portant une barbe fournie, est monté et descendu de la scène à plusieurs reprises. Alors que John Densmore testait ses percussions, la foule se tendait à nouveau, attendant toujours le chanteur à la voix rauque qu'elle croyait reconnaître sur les couvertures des albums. Puis vint Jim. L'air vieux et un peu sauvage, il s'est dirigé vers son micro, a ravivé sa moustache noire, a souri de façon malveillante aux filles de 14 ans derrière moi, et a ri… Lorsqu'il a commencé avec "When the Music's Over", Morrison ressemblait presque au chanteur qu'il était auparavant. Mais au fur et à mesure que la chanson se poursuivait, ses apartés grossiers se multipliaient. The Doors ont joué les cinq minutes obligatoires de "Light My Fire", une chanson que Morrison a déclaré à un intervieweur plus tôt cette année-là qu'il ne voulait plus la jouer en public. Plus que toute autre chose, l'attitude de Jim a dominé la scène tout au long du spectacle. En soufflant sur un cigare emprunté à un machiniste, il a poursuivi son ego trip ininterrompu, tout en abusant, insultant et ridiculisant son public. Il était évident que ce n'était pas le James Douglas Morrison que les jeunes filles étaient venues voir. Il a enlacé le guitariste Robby Krieger et a fait des grimaces aux adolescentes. Ray Manzarek secouant la tête. Il était difficile de dire s'il suivait le rythme de la musique ou s'il pensait aux frasques de Morrison. Le concert s'est terminé par le traditionnel "This is the End". Un cierge magique s'est envolé de la foule et a rebondi sur l'écran du spectacle de lumières, tandis que les machinistes se sont précipités pour l'éteindre. Morrison n'avait rien remarqué. Il s'était éloigné de la version reconnue de la chanson, et parodiait maintenant les vieux chanteurs de blues noirs. "I'se an old blues man. I'se an old blues man, getting anything I can", chantait-il. Puis il allait et revenait à nouveau dans "The End", allant vers le point culminant œdipien où il disait "Mother, I want to-", mais la chanson ne s'arrêtait pas là. "Je veux te faire l'amour, tendrement, tendrement l'amour toute la nuit", a-t-il chanté. Puis le set était terminé. Ray Manzarek a éteint l'accompagnement de basse enregistré et a quitté la scène. Robby Krieger et John Densmore ont suivi. Jim Morrison lui, est resté là, immobile, baignant dans un flot rouge, la tête baissée, les yeux fermés et les bras tendus - le Christ en croix.

Après la performance qu'il a donnée, il était difficile d'accepter son geste de crucification sans avoir l'impression qu'il se le faisait à lui-même. Les groupies s'alignaient le long des marches de la scène et regardaient Morrison monter dans son hélicoptère affrété et s'élever dans le ciel - une continuation, bien que non intellectuelle, de sa pose du Christ. De retour sur scène, Led Zeppelin fait oublier à un public attentif le numéro précédent, tout comme il a oublié les précédents lorsque les Doors étaient entrés en scène.

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